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Journal d'un jeune d​é​gueulasse

by Gabriel Kröger

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1.
Peut-être que je suis très bien comme ça Dans le hall d'une gare désaffectée Mauvais terminus, endormi au tramway Piano désaccordé, affichage brisé Elles passent toutes à côté de moi Sans me jeter un seul regard Bruyante et piaillant comme des idiotes Et comme toujours je dois m'écarter Peut-être que je ne suis pas fait pour ça J'ai perdu les paroles de ce couplet Compostez-moi, compostez-vous Soyons productifs, fertiles et dynamiques J'entrerai dans la vie de mes contemporains En fracas comme j'en sortirai Ajoutant du rouge au gris d'un lundi à Juvisy Je n'aurai pas plus d'effet qu'un sanglier Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard Désolé pour le retard
2.
Je ne souffre de rien Ordinaire, comme un hiver Froid et chiant à mourir Je cherche des raisons de souffrir Ma vie est si belle Autour de moi tout se déchire Santé, talent, travail, famille Tout semble me réussir Narcissique banal et heureux Petit érotomane fringuant Je jalouse les malheureux Et admire les bons à rien Je somatise sans cesse Pour me donner l'air de ceux Chez qui la douleur transperce Que le vide et l'angoisse bercent
3.
Au commencement, Dieu créa la Terre et y plaça une horde de singes affamés Conduits par leurs instincts et vices les plus naturels Ceux-ci survécurent tant et si bien qu'ils fondèrent des villages, des cités, des sociétés Ils s'accommodèrent des violences des uns sur les autres, copulant lorsque la nature le leur rappelait Persuadés d'être guidés par un organe de l'affection qui ne se trouvait être qu'une boule de chair sanglante Parmi eux se trouvaient des individus convaincus d'être encore plus uniques que les autres: les artistes A cause de leur capacités maigres mais existantes à esthétiser leurs innombrables malheurs Les singes y prenant goût, chacun commença à tenter de tirer la couverture à soi Vomissant son pathétique aux oreilles et aux yeux des autres Dans une joyeuse atmosphère voyeuriste et pornocrate Pour combler le vide ambiant et l'appel d'air qui se produisait en eux lorsqu'ils se retrouvaient seuls Ils trouvèrent chacun un palliatif La vénération, les drogues, l'idéologie et la politique camouflées en morale L'argent, le sexe, la violence, ou encore l'attention des autres Tout en gardant de plus en plus d'espace entre les uns et les autres Ils développèrent les passions et les névroses les plus violentes Les affections les plus vicieuses sous les apparences les plus travaillées C'est ainsi que la race des singes vogue vers l'accomplissement ultime et total de son destin Qui prendra la forme du spectacle d'un gigantesque suicide collectif
4.
Dis-moi toi Est-ce que tu m'aimes Je n'aime que moi Est-ce que tu m'aimes Parfois je la croise dans la rue Un jour blonde, brune, peu importe Je n'aime que moi Je crois qu'elle m'aime Je rêve d'elle et moi Elle m'envoie sans doute des lettres Je n'aime que moi Pourquoi est-ce que je ne les reçois pas ? J'ai germé seul comme mes idées La plus belle de la classe toujours dans mon lit (en rêve) Je croise des regards, tout le temps, tous pour moi On m'aime mais on ne se l'avoue pas Comme une ortie parmi les ronces Ils sont plus grands, plus forts, mais moi plus retors Je gratte l'écorce comme un parasite Je n'ai jamais aimé que moi
5.
obsessif 02:38
Tout est à sa place quand ma tête y est Un seul pas de côté Plus rien ne tient debout Je construis des cases, m'immole dedans Petit j'avais de l'imagination Maintenant j'en ai trop Mais ma bouche reste close Alors je m'invente des discussions Ma tête est rangée comme ma chambre Tout a sa place, tout rentre dans des petites cases que personne ne dérange Mais certaines choses ne rentrent nul part On dirait qu'il me manque une case "C'est une obsession chez toi" "Tu ne peux pas toujours avoir raison" "Certaines choses ne sont pas justes" "Calme-toi"
6.
7.
Aujourd'hui tous les artistes sont déprimés Je doute encore de mon talent Je crois en mon bonheur aussi fort Qu'un alcoolique croit être sobre Je déteste les gens tristes Ils me donneraient presque envie de mourir Pour qu'ils achètent mes disques Je suis forcé de m'inventer des histoires On m'a dit qu'il n'y avait pas de Panthéon des Misérables Qu'ils monteraient tous en enfer en même temps que moi Ils s'arrachent la couronne et moi je m'arrache la gueule Le roi des cons et l'Empereur des pleurs siègent à la même table Je déteste les gens tristes Je déteste les gens tristes Leurs gueules de chiens antipathiques J'y pense tellement que ça me rend triste
8.
orphée 04:05
Je me sens comme Orphée Mais quand je me retourne il n'y a personne Comme un gosse oublié dans une voiture Mais tout le monde m'observe par la vitre Va-t-il survivre ? Va-t-il survivre ? Va-t-elle le suivre ? Va-t-elle le suivre ? Et quand mon corps fond au soleil Je veux juste rentrer chez moi Et le vent siffle à mes oreilles Je veux juste rentrer chez moi Je me sens comme Orphée Mais les portes du succès restent fermées Comme une star sortant un album posthume Mais sans être encore décédé Va-t-on en vendre ? Va-t-on en vendre ? Je veux me vendre, je veux me vendre Et quand mon corps fond au soleil Je veux juste rentrer chez moi Et le vent siffle à mes oreilles Je veux juste rentrer chez moi Je ne supporte plus le soleil Je veux juste rentrer chez moi Je vais m'arracher les oreilles Je veux juste rentrer chez moi Et quand mon corps nu noirci et meurtri par les rocs atteint enfin le bas de la falaise et s'écrase sur les eaux troubles, c'est une peinture d'un ocre rouge et profond qui éclabousse la toile rocheuse
9.
24/12/16 01:37
Je me rendais en voiture chez quelqu'un, une femme manifestement Arrivée devant la porte de son appartement qu'elle avait laissée entrebâillée, je vois des taches de sang sur le seuil Je la pousse légèrement, elle s'ouvre sur une petit pièce avec un lavabo et un miroir à gauche Pleins de sang eux aussi, comme le reste des meubles et de la pièce Dont les murs étaient comme éclaboussés de rouge Quand j'ai levé les yeux sur la femme qui habitait là J'ai juste vu une dame très mate de peau, cheveux noirs attachés, robe grise Mais très propre, sans aucune tâche ni sur son visage ni sur ses vêtements Je lui ai dit qu'il y avait du sang jusque sur le seuil Elle a poussé un long soupir et m'a regardée d'un air désespéré Et à ce moment-là je me souviens l'avoir beaucoup aimée et avoir voulu l'aider J'ai vu du coton à côté du lavabo et lui ai dit de patienter deux secondes Le temps que je prépare de quoi la nettoyer Alors qu'elle n'avait vraiment pas la moindre tâche sur elle Mais elle me faisait pitié et je faisais tout pour lui paraître gentille Après avoir mis de l'eau sur du coton, je me retourne Et la femme en question avait le visage éraflé de tous les côtés Il lui manquait l'œil gauche, sa robe dégoulinait de sang Je me suis approchée d'elle et lui ai nettoyé le visage tout doucement En lui répétant qu'elle était belle
10.
les gisants 09:36
Et le soir dans mon lit Je redeviens un enfant J'ai tellement peur du noir Qu'on m'oublie dans cette chambre A m'en faire tourner la tête Je ferme les yeux si fort Et les nuages sont comme des rideaux Devant ma fenêtre A m'en faire tourner la tête Je ferme les yeux si fort Et les nuages sont comme des rideaux Devant ma fenêtre Je ne sais pas si tu es ma mère Mais sers-moi fort ce soir J'ai trop peur de disparaître Dans mon sommeil Je ne sais pas si tu es ma mère Mais sers-moi fort ce soir J'ai trop peur de disparaître Dans mon sommeil A demain, bonne nuit, dors bien A demain, bonne nuit, dors bien Les enfants sont comme des monstres Et les adultes sont comme des hommes Vicieux et violents Vicieux et violents Les enfants sont comme des monstres Et les adultes sont comme des hommes Vicieux et violents Vicieux et violents Penche-toi sur ma tombe Et découvre que ce n'est qu'un lit, un livre Vicieux et violent Vicieux et violent Penche-toi sur ma tombe Et découvre que ce n'est qu'un lit, un livre Vicieux et violent Vicieux et violent Et ma tête s'embrume tous les soirs Je ne sais plus qui je veux être Vicieux et violent Vicieux et violent Et ma tête s'embrume tous les soirs Je ne sais plus qui je veux être Vicieux et violent Vicieux et violent Et ma tête s'embrume tous les soirs Je ne sais plus qui je veux être Vicieux et violent Vicieux et violent Et ma tête s'embrume tous les soirs Je ne sais plus qui je veux être Vicieux et violent Vicieux et violent
11.

about

Le Journal d'un jeune dégueulasse raconte l'histoire d'un jeune homme à qui sa propre vie paraît si banal que sa seule solution pour attirer l'attention des autres est d'inventer des raisons d'être triste, jusqu'à mettre en scène sa propre mort.

Trois morceaux démos sont disponibles en bonus pour ceux qui achèteront le projet. Bonne écoute.

credits

released May 1, 2020

Le Journal a été entièrement écrit et composé par Gabriel Kröger entre les étés 2017 et 2018.
Tous les instruments (guitare folk, basse, harmonica, guitare électrique, ukulélé, kalimba, percussions additionnelles) sont joués par Gabriel, excepté les percussions, jouées par Alma Prieur.
Merci à Marie-Lys pour les voix additionnelles.
Merci à Anna-Wenn Gilet-Janes pour son travail sur la pochette.

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